4,0 de 5 estrellas
'Remember the Alamo!'*
Revisado en Francia 🇫🇷 el27 de julio de 2022
Et si l’on n’avait pas fait mieux que The Second Civil War, opus diffusé sur une chaîne câblée en 1997, comme film politique aux Etats-Unis depuis un quart de siècle ? La politique n’a à l’heure qu’il est plus vraiment droit de cité dans le cinéma américain, me direz-vous, ou bien un peu plus indirectement. Quant à la télévision, où elle a trouvé un refuge au moins depuis la série The West Wing / A la Maison blanche, les réussites ne sont pas si nombreuses que cela. Quoi qu’il en soit, un film ramassé d’une heure et demie ayant un contenu politique aussi fort et aussi dense ? Je n’en vois pas beaucoup d’autres.
Depuis un projet personnel pour lequel il n’avait eu le soutien d’un studio qu’avec des pincettes, avec un échec au box office à la clef devenu inévitable tellement personne n’y croyait – Matinee / Panic sur Florida Beach (1993, en vidéo chez Carlotta) – Joe Dante avait bien compris qu’il risquait de ne plus avoir les coudées franches au sein des majors comme il avait peu ou prou réussi à les avoir la décennie précédente – mais c’était juste avant qu’il ne se ramasse une dernière fois en étant on ne peut plus en décalage avec les attentes du studio, avec Small Soldiers (1998, en vidéo chez ESC). Direction HBO, donc, un des seuls lieux à l’époque où il savait qu’il n’aurait pas à édulcorer la matière abrasive présente dans le scénario du Canadien Martyn Burke. L’on sent que dans certains de ses films, la part sarcastique de Joe Dante est au moins un peu mise en sourdine par un bon fond qui le caractérise tout autant, et peut-être un peu trop de gentillesse. Pas ici : Dante ne fait rien pour aller à l’encontre d’un script qui, dieu merci, n’est pas trop tempéré par les nécessités du cinéma commercial tel qu’il a fini par l’emporter dans le courant des années 90 – on sait qu’il y a eu un petit regain post-11 septembre, une bonne part du cinéma américain ayant été gagnée par une noirceur sans égale depuis un bon bout de temps, mais celui-ci n’a hélas pas vraiment passé le cap de la décennie suivante.
La situation est vite posée, avec trois lieux majeurs – le plateau d’une chaîne d’info en continu ; le siège du gouvernement de l’Etat de l’Idaho ; la Maison-Blanche – et des protagonistes qui sont essentiellement des politiques et des journalistes. Situé dans « un avenir proche », le récit commence après une attaque nucléaire au Pakistan, le Gouverneur de l’Idaho refusant que soient envoyés des orphelins réfugiés dans son Etat et décidant unilatéralement de fermer ses frontières. On conseille au Président, connu pour ses compromis tous azimuts frôlant la lâcheté caractérisée, d’exhiber les qualités d’un Roosevelt ou d’un Eisenhower. Il finit par poser un ultimatum, qui à son tour conduit le Gouverneur à menacer de faire sécession. D’autres Etats se mettent de la partie en envoyant leur Garde Nationale. Pendant cette escalade, celui qui a tout déclenché suit à peine les événements, concerné qu’il est avant toute chose par la reconquête de sa maîtresse, elle-même journaliste mexicaine choisissant de s’écarter d’un homme politique initialement connu pour ses idées progressistes et devenu le chouchou des ultra-conservateurs. Le communicateur-lobbyiste en chef à la Maison-blanche – pardon, le « facilitateur politique » – se charge quant à lui de constamment redéfinir l’image du président, conscient qu’il est que c’est elle (et éventuellement les marchés passés avec les minorités à Washington) qui fera qu’il sera réélu l’année suivante. C’est lui qui trouve pour le Président les citations « à la Eisenhower » dont il a besoin (gag du meilleur effet), tandis que le chef de l’Etat fédéral révèle dans l’intimité du Bureau Ovale la nullité de ses connaissances historiques. Ajoutons à cela que le script ne rate pas non plus les autres cibles – les journalistes en pleine dérive très loin de l’éthique de leur métier, les vieilles badernes rivales depuis des années, etc. – et l’on comprendra aisément que le script épingle tout ce petit monde dans la plus parfaite bonne humeur. Sans toutefois perdre complètement de vue qu’une des règles de la satire réussie est qu’elle se mâtine le plus souvent de ‘cautionary tale’ : montrer aux spectateurs ce à quoi les présentes dérives pourraient aboutir si elles perduraient ; les amener à réfléchir aux dites dérives et les avertir de leur potentiel destructeur. Il n’est pas anodin, même si celle-ci est utilisée avec parcimonie, que la voix off qui ponctue ce récit soit celle d’un journaliste à l’ancienne**, qui se rappelle d’une époque où le journalisme, tout en pointant les divisions de la nation, semblait vouloir avant tout contribuer à les atténuer plutôt qu’à s’en repaître et à les accentuer.
The Second Civil War est donc le film d’un progressiste qui a bien sûr choisi un script qui lui permet de ne pas être par trop démonstratif, lui qui est aussi et avant tout un cinéaste américain qui aime le spectacle et ne souhaite pas réaliser des films à idées ; il réussit à faire à la fois dans le jeu de massacre – la satire qui épingle tous azimuts et sans trop d’exclusives – et de proposer un regard qui tout de même donne un sens, qui ne rime pas à rien et ne fait pas dans le nihilisme de bas étage (le ‘cautionary tale’ dont je parlais ci-dessus). C’est l’évidence même : toutes les évolutions des Etats-Unis dans les années 2000 et 2010, du climat insurrectionnel contre l’Etat fédéral du début de l’ère Obama à la tension grandissante entre la tête de l’Etat fédéral et celle de nombreux Etats, de la polarisation toujours croissante de la vie politique et des médias aux ‘culture wars’, font que la pertinence d’analyse de ce film reste pleine et entière à ce jour. Il ne s’agit pas d’assurer qu’il a pu être prophétique il y a 25 ans, la plupart des traits fondamentaux de la vie politique et médiatique américaine étant déjà bien ancrés à la fin des années 90, mais disons qu’il tape juste dans toutes ses cibles, avec une franchise et un sens de l’à-propos qui n’ont pas vraiment perdu de leur force un quart de siècle plus tard. Mettons également à l’actif du film sa grande économie scénaristique, et son sens du rythme : à peine une ou deux scènes un peu répétitives concernant le gouverneur, sinon le tout file droit et sans temps morts.
Et si, plutôt que de nous servir des ersatz ou de l’eau tiède pseudo-politique sur les plateformes, on remettait plutôt en valeur ce film ? Pour commencer, il faudrait le rééditer – pas d’autre dvd qu’épuisé, aucun blu-ray nulle part – et le diffuser un peu plus largement.
*Expression bien connue aux Etats-Unis, liée à la volonté d’indépendance des Texans vis-à-vis du Mexique. Dans le film, elle est prononcée à un moment où la volonté d’indépendance des uns et des autres fait que tous, en particularité les minorités devenues majoritaires dans certains Etats, semblent prêts à faire sécession et à prendre leur indépendance, mettant ainsi un clou dans le cercueil de la Fédération.
**Le journaliste en question est joué par James Earl Jones, toujours formidable de présence même lorsque, comme ici, il n’a pas grand-chose à faire. Le communicateur en chef est quant à lui interprété, impeccablement, par James Coburn. Dan Hedaya fait un parfait rédac-chef prêt à (presque) tout pour l’audimat. On pourrait citer tout le casting, en fait : pas un qui ne soit pas à sa place, ce qui contribue à la réussite du tout et au fait que les personnages sont parfaitement croqués dès l’abord, la qualité d’écriture du script et des dialogues faisant le reste.
EDITIONS DVD FRANCAISES ET AMERICAINES
Toutes les éditions datent, la première française quant à elle de 1999 – il y en a eu une deuxième par la suite, aujourd’hui tout aussi épuisée. Les éditions américaines, en dehors d’être réservées aux anglophones de toute façon, sont toutes deux épuisées également. Je suis quant à moi détenteur de l’édition de 2005, mais j’imagine que celle de 2012 était strictement un retirage. Bref, vivement une nouvelle édition, et peut-être même un blu-ray ? Berçons-nous d’illusions… L’édition américaine propose un master correct, sans beaucoup plus. Comme beaucoup de productions télévisuelles des années 90, on n’en a pas fait grand cas, et la définition de l’image est bien moyenne. Cela sera-t-il retapé un jour ?
Ne pas rater non plus l’également mordant Homecoming / Vote ou crève (2005), l’épisode de la série Masters of Horror réalisé par Dante, lui aussi toujours aussi pertinent au regard des avanies que l’on fait subir au vote démocratique dans ce pays.
Je mettrais volontiers 4,5 au film. Je baisse un peu ma notation étant donné le caractère très moyen des éditions en vidéo.
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