4,0 de 5 estrellas
« Vous êtes le génie de la semaine »*
Revisado en Francia 🇫🇷 el15 de junio de 2022
C’est une affaire relativement entendue, quelle que soit l’affection que l’on puisse avoir pour The Untouchables / Les Incorruptibles (1987) : pour sa première très grosse production, Brian De Palma n’a pas forcément intégralement réussi à adapter son point de vue jusqu’alors toujours passablement complexe et son style volontiers baroquisant à une histoire qu’il reconnaît avoir voulue comme « une sorte de western, très classique : les bons contre les méchants ». Plus tard, notamment avec Carlito’s Way / L’Impasse (1993) et Mission: Impossible (1996), mais aussi dans les plus imparfaits Snake Eyes (1998) et Mission to Mars (2000), il aura mieux su mettre ce point de vue, et ses obsessions de longue date, au service de films de studio plus ou moins balisés. The Untouchables s’avère quant à lui un rien trop impersonnel, et ce malgré les quelques embardées stylistiques que De Palma s’y permet.
Ses nombreux morceaux de bravoure ont bien entendu fait que The Untouchables a toujours été un film que l’on prend un certain plaisir à (re)voir. Cependant, outre même le fait que le morceau de bravoure principal par exemple a été largement « refait » quelques années plus tard par le cinéaste dans Carlito’s Way, en beaucoup plus abouti, il est évident que le scénario est un poil trop simpliste – contrairement à celui de Carlito’s Way, ou même de Mission: Impossible – pour que le film ait la complexité suffisante afin de tenir le choc de visionnages répétés. Il est de notoriété publique que De Palma, qui a été attaché au projet au moment où il savait qu’il avait besoin de se remettre en selle et d’être enfin à la tête d’un grand succès commercial, ne s’est pas entendu avec le scénariste David Mamet. Ce qu’il avance sur la question est assez éloquent : « David est un type très arrogant, persuadé que tout ce qu’il écrit est génial. J’étais de mon côté plutôt méprisant. Le culte dont il fait l’objet ne m’impressionne pas et il l’a immédiatement senti. Art Linson devait jouer les médiateurs entre lui et moi, et nous sommes ainsi arrivés à lui soutirer un excellent scénario. Je ne crois pas [qu’il appréciait mes films]. Il disait beaucoup de mal de moi derrière mon dos. David Mamet s’apprêtait à réaliser son premier film, et croyait tout savoir. » De façon très typique, De Palma se jette alors quelques fleurs relativement aux séquences et éléments qu’il dit avoir suggérés et qui lui paraissent constituer le meilleur du métrage… Même si je suis tout prêt à croire que certains apports de De Palma ont permis d’améliorer le script – ce serait grâce à lui que la relation entre Ness et Malone, seulement esquissée par Mamet, aurait été développée – je ne suis pas absolument certain qu’il s’agisse au bout du compte d’un « excellent scénario »**. Cela dit, même avec ses limites évidentes, celui-ci permet à De Palma de déployer une mise en scène à la fois relativement virtuose et assez contenue, ainsi que de mettre en valeur le numéro de ses acteurs stars – à commencer par Sean Connery et Robert De Niro ; Kevin Costner, qui n’était pas tout à fait un inconnu, l’est devenue grâce à ce film.
Dans le très remarquable documentaire au long cours consacré par Giuseppe Tornatore à Ennio Morricone, Ennio (sortie dans les salles françaises en juillet 2022), celui-ci raconte qu’il a travaillé en bonne intelligence avec le cinéaste tandis qu’il se trouvait à New York, alors que la plupart du temps il écrivait de son côté et soumettait le produit de son labeur clefs en mains.*** Je préfère quant à moi les collaborations ultérieures entre le cinéaste et le compositeur – Casualties of War / Outrages (1989)**** et Mission to Mars (2000) – mais il est indéniable que les mélodies accrocheuses de Morricone, tour à tour un brin ironiques ou élégiaques, contribuent au charme du film. Il en est bien sûr également question dans Ennio : j’avais pour ma part oublié que le ‘score’ de Morricone, dont tout le monde ou presque pensait qu’il lui vaudrait un Oscar, fut le début d’une longue suite d’échecs pour lui à Hollywood, jusqu’à ce qu’on lui en donne un d’honneur et enfin un pour Les huit salopards de Quentin Tarantino en 2016.
Comme première tentative de faire entrer une vision personnelle marquée par de nombreuses obsessions dans le cadre assez strict de situations et de personnages archétypaux, The Untouchables est à mon sens à la fois pas complètement satisfaisant et pourtant un prototype assez unique, qui ne manque pas de cachet et n’est pas sans une certaine étrangeté toute depalmienne. Au-delà du plaisir primaire du récit ou de celui de revoir des acteurs que l’on apprécie, trente-cinq ans plus tard, ce cachet et cette étrangeté continuent à conférer à ce film une grande partie de son prix.
*Toutes les citations sont tirées des entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud dans le toujours aussi indispensable Brian De Palma (Carlotta, 2019). La phrase que je cite en titre est la réponse de De Palma à la question de savoir s’il a été surpris du succès du film, lui a qui le plus souvent dû faire face à l’insuccès public et critique, en tout cas aux Etats-Unis : « Non. Les projections test se déroulent bien, les critiques adorent, et les Oscars vous attendent à la fin de l’année. Vous êtes le génie de la semaine. »
**D’ailleurs, dans le même entretien, De Palma répond ainsi à une remarque pointant le fait que la représentation de la famille Ness est telle que « l’on croirait une peinture de Norman Rockwell » : « C’est sûrement ce qu’il y a de plus faux dans le film. Je ne pense pas que David Mamet y croyait beaucoup quand il a écrit cette scène. Ca a l’air de sortir d’un mauvais film hollywoodien. Le cliché de la famille idéale. Eliot Ness chez lui, ça ne peut qu’être parfait. Passons à autre chose si vous le voulez bien. » La preuve donc qu’il n’a jamais trouvé le scénario de Mamet, même arrangé par lui, si excellent que cela…
***De Palma confirme que leur collaboration fut fructueuse : « Elle a été idéale. Morricone a une phénoménale puissance de travail. Chaque fois que j’allais le voir, il avait huit ou neuf variantes d’un même thème à me proposer et c’est ensemble que nous choisissions celui qui allait être dans le film. Le thème principal, dit du ‘Triomphe’ des Incorruptibles, est né ainsi. » Autre son de cloche, tel qu’entendu de la bouche du compositeur dans Ennio : après avoir effectivement choisi la plupart des thèmes ensemble, il lui en restait un seul à concevoir en rentrant en Italie, celui du ‘Triomphe’ des Incorruptibles, et il envoya à De Palma une maquette avec neuf versions différentes, en lui disant qu’il pouvait choisir celle qu’il voulait sauf une, dont il n’était vraiment pas content – c’est évidemment celle-là que De Palma a choisie au bout du compte ! Qui croire, je ne sais, mais cela en dit d’une façon ou d’une autre assez long sur les deux personnalités…
****Rappelons que ce film mal aimé, échec financier considérable aux Etats-Unis, depuis largement réhabilité, a fait l’objet en 2021 de deux réalisations remarquables : 1) un livre, signé Nathan Réra Outrages – De Daniel Lang à Brian De Palma (Rouge Profond), manière de modèle d’étude de la conception d’un film, de ses sources multiples à sa réalisation et sa réception 2) un gros coffret vidéo dvd + blu-ray établi par Wild Side, avec en outre un très copieux livret, conçu par le même Nathan Réra. Deux objets indispensables pour les amateurs de De Palma.
EDITION BLU-RAY + 4K UHD FRANCAISE PARAMOUNT (2022) / BLU-RAY FRANCAISE PARAMOUNT (2009)
Il existe n éditions de ce film. La nouvelle sortie en 2022 présente une amélioration relativement appréciable à la fois de l’image et du son. La définition est un peu meilleure, l’image un peu moins granuleuse, avec des couleurs soutenues et des noirs assez profonds et une carnation des visages plus naturelle – peut-être est-il à déplorer que certaines scènes de nuit soient un tout petit peu trop sombres. Pas de nouveauté du côté des suppléments, toujours compétents mais sans grand intérêt. Ceux qui ne sont pas détenteurs de l’édition blu-ray précédente auront tout intérêt à se porter sur la 2022 ; les autres peuvent hésiter étant donné le très faible apport en dehors du nouveau master, lui-même pas une révolution de palais par rapport à celui du bon blu-ray. A noter que cette édition se trouve sous forme de ‘combo’ blu-ray + 4K mais aussi avec affiche et photos (que je n’ai pour ma part pas vus).
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